sortie de crise passe par la "banque poubelle"
LE MONDE | 11.02.09 | 14h58 • Mis à jour le 11.02.09 | 14h58 Réagissez Classez Imprimez Envoyez Partagez
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Les Etats-Unis l'appellent la "bad bank", l'Europe la "banque poubelle", une expression on ne peut plus explicite. L'idée d'isoler les actifs toxiques des banques, liés aux fameux crédits immobiliers à risques américains (les subprimes), dans une structure juridique dédiée - fût-elle cofinancée, comme le prévoit la nouvelle administration Obama, par des fonds publics et privés -, avait été envisagée dès le début de la crise financière. Mais elle avait été abandonnée, devant la difficulté de fixer un prix d'achat pour ces actifs compromis, pour lesquels il n'existe plus de demande de la part des investisseurs.
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Abonnez-vous au Monde.fr : 6€ par mois + 30 jours offerts L'exemple de la Suède, au début des années 1990La France avait constitué, en 1995, une structure de cantonnement des actifs compromis du Crédit lyonnais, en quasi-faillite. Mais c'est en Suède qu'il faut chercher le modèle le plus proche de ce qui se met en place actuellement aux Etats-Unis. Confrontée à une grave crise bancaire en 1991, la Suède s'était dotée d'une autorité nationale de restructuration chargée d'identifier les banques insolvables, à nationaliser. Des structures de défaisance des actifs douteux avaient été créées banque par banque, afin d'apurer le système. La crise avait été résolue avec succès.
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Le coût pour les finances publiques d'une structure de défaisance, qui revient à sortir le risque des bilans des banques, avait dissuadé.
Aujourd'hui, alors que le secteur bancaire continue sa descente aux enfers, en dépit d'injections massives de capitaux publics pour le maintenir à flot, et de divers dispositifs de garanties publiques, le concept de la "banque poubelle" ressurgit. Celle-ci s'impose dans les esprits comme l'une des clés pour sortir de la crise.
GRAND NETTOYAGE
De plus en plus d'économistes se montrent convaincus qu'elle seule permettrait d'effectuer le grand nettoyage dont le secteur a besoin pour regagner la confiance des investisseurs et des marchés.
L'actuelle débâcle boursière des banques s'explique par une suspicion généralisée envers leur état de santé réel - elles ne montrent pas toutes le même empressement à révéler au marché l'exacte ampleur de leurs actifs risqués. Le G7 les y avait pourtant enjointes dès février 2008, estimant qu'on ne pourrait faire l'économie d'une "opération vérité" mondiale.
La mise en place d'une banque poubelle aurait, par ailleurs, pour vertu de rétablir les circuits du crédit. Délestées de leurs actifs toxiques, qui les contraignent à mobiliser du capital pour faire face aux risques de pertes financières, les banques retrouveraient, en effet, de l'oxygène pour prêter aux ménages et aux entreprises.
Ainsi, non seulement la purge serait faite, mais l'économie pourrait se remettre à fonctionner normalement, avec un secteur bancaire à nouveau capable de répondre aux besoins de financement des agents économiques. Cela constituerait une sécurité pour les gouvernements de la planète, au moment où il s'agit ni plus ni moins que d'éviter une récession mondiale !
La mise en place des banques poubelles, déjà expérimentées par le passé pour régler des problèmes moindres, en Suède par exemple, devrait alimenter les débats pendant de nombreuses semaines. Elle s'apparente à un véritable casse-tête politico-juridico-financier comportant vices et vertus, dans des marchés totalement "disloqués", selon l'expression des banques elles-mêmes.
Les Etats et la profession bancaire doivent d'abord se mettre d'accord - avec des investisseurs privés, s'ils participent au montage, comme aux Etats-Unis - sur un prix d'achat des actifs "pourris" qui ne fragilise pas davantage les banques, ni ne lèse les contribuables. La formule de calcul du prix ne doit pas non plus avantager les établissements les plus mal en point. Ces actifs ont vocation à être revendus auprès d'investisseurs intéressés, une fois revenue la confiance envers le système financier mondial.
Les esprits chagrins regretteront le temps perdu pour constituer ces structures de cantonnement. Car les longs mois passés à tourner autour du concept de la bad bank ont vu augmenter la facture de la crise, survenue pendant l'été 2007. La crise des subprimes, estimée à 500 milliards de dollars (386 milliards d'euros), s'est muée en une crise bancaire à 1 500 voire 2 000 milliards de dollars, et désormais, en une crise boursière à... 30 000 milliards de dollars, partis en fumée sur les marchés financiers.