Wednesday, February 11, 2009

Morgan ts-Van-Gir-aï et Robert Mou-Gars-Bé

Le chef de l'opposition du Zimbabwe, Morgan Tsvangirai (à gauche), a prêté serment comme Premier ministre, en vertu d'un accord de partage du pouvoir conclu il y a un an avec le président Robert Mugabe. /Photo prise le 11 février 2009/REUTERS/Philimon Bulawayo

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Morgan Tsvangirai, chef de l'opposition du Zimbabwe, a prêté serment comme Premier ministre après des mois de disputes avec le président Robert Mugabe sur un accord de partage du pouvoir visant à relever un pays ruiné.

L'accord conclu en septembre avait suscité l'espoir qu'un nouveau gouvernement aplanisse les difficultés qui accablent le pays, mais la méfiance et les querelles persistantes des deux adversaires politiques inspirent des doutes quant à leur capacité à obtenir aide et investissements extérieurs.

Mugabe a investi Tsvangirai, qui est âgé de 56 ans, lors d'une cérémonie à Harare. Le nouveau Premier ministre a esquissé un léger sourire devant son vieil ennemi au terme de sa prestation de serment.

Tsvangirai, vainqueur du premier tour de l'élection présidentielle le 29 mars 2008, avait boycotté le second tour organisé le 27 juin en raison de violences politiques. Ce qui avait aggravé une crise déjà marquée par l'hyperinflation, des pénuries alimentaires et une épidémie de choléra.

La mise en oeuvre de l'accord de partage du pouvoir est intervenue après de fortes pressions des Etats d'Afrique australe. Ceux-ci redoutant un effondrement complet du Zimbabwe, pays autrefois prospère.

"C'est un règlement imparfait, le rapport de forces est en faveur de Mugabe et (de son parti) la Zanu-PF. Tsvangirai aura sans doute une marge de manoeuvre très faible, mais avec le temps il sera lui aussi tenu responsable des échecs du gouvernement Zanu-PF", note Aubrey Matshiqi, du Centre d'études politiques de l'Afrique du Sud.

"Mais on ne saurait exclure qu'une solution durable émerge d'un règlement imparfait."

GESTION INCERTAINE

Mugabe est l'un des hommes politiques les plus rusés d'Afrique. Tsvangirai, ancien syndicaliste aux discours enflammés, s'est acquis un certain respect dans son pays et à l'étranger en combattant la corruption et les atteintes aux libertés. Mais ses qualités d'homme d'Etat restent à démontrer.

Ceux qui le critiquent au sein de son Mouvement pour le changement démocratique (MDC) lui prêtent des tendances dictatoriales et l'accusent de prendre les décisions importantes en petit comité, aux dépens du reste de sa formation.

La population du Zimbabwe attend du nouveau gouvernement qu'il remette le pays sur pied. Le taux de chômage y dépasse les 90%, les prix doublent d'un jour à l'autre, la moitié de ses habitants nécessitent une aide alimentaire et le choléra y a fait près de 3.500 morts.

Des analystes notent que Tsvangirai et Mugabe ont choisi des alliés plutôt que des technocrates réputés pour leur compétence, ce qui fait persister le risque d'une mauvaise gestion et, par conséquent, d'une aggravation du déclin économique.

Le sort du Zimbabwe dépend au premier chef des investisseurs étrangers et des donateurs occidentaux, lesquels ont fait comprendre que les soutiens financiers n'arriveraient que lorsqu'un nouveau gouvernement démocratique serait en place et que des réformes économiques d'envergure seraient engagées - en particulier l'arrêt de la politique de nationalisation.

Pour Louis Michel, commissaire européen au Développement, "le chemin du Zimbabwe vers le redressement sera long et difficile". Quant à Mike Davies, spécialiste du Proche-Orient et de l'Afrique auprès de l'Eurasia Group, il doute que le nouveau gouvernement soit en mesure d'effacer rapidement une décennie de désagrégation économique.

Si Mugabe s'est vu maintes fois imputer la responsabilité de cet effondrement économique, Tsvangirai n'a pas exposé de projets clairs pour renflouer l'économie.

Des millions de Zimbabwéens, dont beaucoup possèdent les qualifications requises pour la reconstruction de leur pays, ont fui la misère pour se réfugier dans les pays voisins. Tsvangirai devra se montrer persuasif pour inverser ce mouvement.

Version française Jean-Stéphane Brosse, Philippe Bas-Rabérin