Un satellite peut en crasher un autre
Espace . Collision entre engins américain et russe.
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A 790 km au-dessus de la Sibérie, la collision n’a fait aucun bruit. On n’était pas dans un film de science-fiction, mais dans la réalité de l’espace, silencieuse, et sans pitié pour les erreurs. Aussi, mardi, lorsque le vieux satellite militaire russe de 900 kg, inutilisé, s’est trouvé sur la trajectoire d’un des satellites de communication du réseau américain Iridium, plus rien ne pouvait sauver ce dernier.
Cette collision n’est pas tout à fait une première. Dans les annales des collisions spatiales, on connaît les chocs entre et avec des débris, petits ou gros, provenant d’étages supérieurs de fusées. En juillet 1996, le satellite français Cerise était endommagé lors d’une collision avec un débris provenant d’un étage d’Ariane. On connaît celle d’un cargo automatique russe Progress avec la station spatiale Mir, mettant les cosmonautes en danger de mort. On connaît aussi la collision volontaire de missiles avec des satellites : Américains, Russes et Chinois (une fois) l’ont fait pour prouver aux autres puissances spatiales leur vulnérabilité. Et deux satellites Cosmos russes se sont entrechoqués, il y a une dizaine d’années. Mais, perdre un satellite de télécomsde cette manière, c’est nouveau.
La mésaventure d’Iridium devrait relancer les projets de surveillance de l’espace. Déjà, le Pentagone, la Nasa, ou l’Agence spatiale européenne (ESA) utilisent les catalogues d’objets spatiaux - débris de plus de 10 cm et satellites - tenus à jour par le Norad (le commandement militaire spatial américain) pour calculer des risques de collision. Et, lorsqu’ils sont trop élevés, réaliser des manœuvres d’évitement pour la station spatiale, les navettes, les cargos automatiques et les satellites gouvernementaux.
En revanche, les opérateurs de satellites de télécoms n’ont, en général, pas les moyens d’exercer cette surveillance qui suppose d’entretenir des équipes de veille afin d’exploiter les alarmes automatiques des calculs d’orbite. Problème de coûts, mais aussi, explique Philippe Coudy du Cnes, l’Agence spatiale française, le «résultat d’une prise de conscience trop récente du risque lié aux collisions».
Cette surveillance des débris repose sur un catalogue entretenu et mis à jour par les militaires américains, à l’aide de radars puissants et d’ordinateurs. Mais l’Europe commence à s’y mettre, sous l’impulsion française et allemande. Le dernier conseil de l’ESA a engagé un programme d’étude pour doter l’Europe de moyens (radar, calculateurs) susceptible de lui fournir l’indépendance en ce domaine qui pourrait devenir crucial : «Avec l’augmentation du nombre de satellites, le problème peut devenir grave, car on ne sait pas récupérer les débris une fois qu’ils sont en orbite.»
Depuis l’accident de Cerise, les ingénieurs «passivent» les étages supérieurs des lanceurs, en vidant les carburants. Et, lorsqu’un satellite en orbite basse - en dessous de 1 000 km - est en fin de vie, on les freine afin de les faire retomber au bout de vingt-cinq ans au plus, contre un siècle ou deux si l’on laissait faire la nature.