Tuesday, January 27, 2009

Franz croasse y?



Daniel Costantini, entraîneur des Bleus entre 1985 et 2001, revient sur certaines des rencontres franco-croates qui l'ont marqué. De la première en 1993, à cette demi-finale des JO perdue à Atlanta. Le technicien, double champion du monde (1995 et 2001) évoque également la prochaine, mardi à Zagreb (20h30). Les deux équipes ayant déjà leur billet pour les demies en poche, l'intérêt de la rencontre sera très relatif... Costantini parle lui de «match de dupes».

Le premier France-Croatie (1993)
«C'est un relatif mauvais souvenir. Les dés étaient un peu pipés pour nous. Il s'agissait de la première apparition de la Croatie en tant que nation. Elle venait se présenter aux Jeux Méditerranéens avec son arsenal de stars : Saracevic, Smajlagic et compagnie... Nous, nous avions disputé la finale du Mondial en Suède quelques mois auparavant et nous nous sommes présentés avec une équipe que Claude Onesta appelerait A', avec beaucoup de nouveaux joueurs. Guéric Kervadec, Gregory Anquetil ou encore Stéphane Cordinier faisaient leurs débuts : il s'agissait vraiment d'une équipe expérimentale. Moi, j'ai toujours essayé de préparer l'avenir, mais en donnant du temps de jeu aux gens. Je ne fonctionne pas comme Claude Onesta. En fin de compte, ce souvenir-là est à la fois amer, parce qu'on a perdu (23-19) et même frôlé l'humiliation à certains moments, mais ça a été très instructif et positif pour la suite : deux ans après, on les a rencontrés en finale du Championnat du monde en Islande. Et ce jour là, ça n'est pas eux qui ont mis le dernier but en se foutant de notre gueule !»

La finale du Mondial 1995, première couronne mondiale du handball français
«Ce match s'est déroulé sans aucun problème (23-19). Les Barjots étaient au sommet de leur art. Ils avaient décidé d'être champions du monde. Ils ont tous donné ce qu'ils devaient apporter pour l'être, en particulier au niveau de la défense. Et Jackson Richardson a été remarquable. Ils ont empêché la Croatie de développer son handball et pourtant, quand on revoit la feuille de match, la plus belle équipe croate de l'histoire était sur le terrain. Elle a été championne olympique l'année d'après, il s'agissait vraiment d'une dream-team. Et pourtant ce jour là, la qualité de la défense française a réussi à l'empêcher de jouer.»

Le meilleur souvenir d'une rencontre franco-croate ? (1995)
«L'efficacité de Jackson Richardson (Photo L'Equipe) en finale du Mondial 1995, où il vole quatre ou cinq ballons à lui tout seul qui font la différence. Même si c'est un peu réducteur, c'était Jackson contre la Croatie.»

Le plus mauvais ? (1996)
«La demi-finale des Jeux Olympiques d'Atlanta (1996). Nous avons abordé le combat avec un excès de suffisance. On a perdu ce match (24-20) en voulant se battre contre les Croates au lieu de jouer au handball. On a eu un comportement un peu stupide. On a voulu forcer. Et puis on est passé au travers. C'était bien la caractéristique des Barjots : capables une année d'être concentrés, ensemble, solidaires, presque - j'ai dit presque - capables de faire des sacrifices pour faire des performances... Et puis l'année d'après, penser qu'il n'y avait pas besoin de s'entraîner, de se coucher tôt, qu'ils pouvaient tout faire, coucher avec toutes les filles du village olympique... et en même temps être champions olympiques !»

Et ces Experts ?
«Ils ne sont pas très Français... (sourires). Ils sont vraiment différents des Barjots. Là, il s'agit d'une génération presque programmée pour être inoxydable. Il a fallu du temps pour qu'ils se construisent. Car si on est champions du monde en 2001, en 2002, on ne fait rien... En 2003, ce n'est pas terrible, en 2005, c'est très moyen. Il a fallu attendre 2006 et le titre de champion d'Europe. C'est grâce aux arrivées de joueurs exceptionnels comme Michaël Guigou, Nikola Karabatic ou Luc Abalo qu'il y a maintenant une équipe qui me paraît en acier trempé, à l'image des Suédois dans les années 90.»

Le prochain France - Croatie (mardi 20h30)
«Il ne présente aucun intérêt. C'est un match de dupes complet. J'essaie de me mettre à la place des Croates. Vont-ils vouloir enfoncer les Français pour leur montrer qu'ils n'auront aucune chance, au risque de susciter chez nous un espèce de sentiment de vengeance ? Ou est ce qu'ils vont faire comme ils ont déjà fait, ne pas jouer ? Ce sera un match d'où on ne tirera pas d'enseignements.»

Un Croate parmi les autres : Ivano Balic
«C'est un joueur exceptionnel. Un des meilleurs amis de Balic s'appelle Jackson Richardson. Malgré leur différence d'âge (10 ans), ces deux là ont des choses en commun. Ils ont joué ensemble en club à Pampelune et se sont appréciés mutuellement. Ils possèdent le même type de recherche dans le jeu. Tout est dans l'esthétisme, et non dans le combat. Un Nikola Karabatic n'est pas comme eux. Nikola mise tout sur l'efficience, il recherche plus à être efficace dans tous les secteurs même si ça n'est pas beau. Eux sont un peu des magiciens qui jouent plus pour se faire plaisir, faire plaisir au public, pour le beau geste, plus que pour se construire un palmarès.»