Friday, January 30, 2009

L'humain garde le pouvoir sur la machine


Les modèles économiques ne répondent plus
Caroline Mignon | JDF HEBDO | 31.01.2009 | Mise à jour : 22H41
Au fond, la nouvelle est plutôt rassurante : en matière de modélisation économique, la machine n'a pas encore pris le pas sur l'homme. Aujourd'hui, la situation économique est telle, si exceptionnelle, si alambiquée, que les modèles économiques, qui servent à établir des prévisions, ne suivent plus. « Forcément, ces modèles fonctionnent grâce à des données historiques. Ils agrègent les situations qui se sont déjà produites pour en faire une moyenne. Or actuellement, de nombreux paramètres, comme les enquêtes de conjoncture, atteignent des niveaux jamais atteints », explique Eric Heyer, à l'OFCE. Qu'il s'agisse de l'enquête de l'Insee auprès des industriels ou du Conference Board auprès des ménages américains, tous les indicateurs atteignent des plus bas historiques.
Les modèles ne peuvent assimiler les éléments inédits
Avec l'Insee, la direction de prévision du ministère de l'Economie et la Banque de France, l'OFCE constitue en France l'un des rares utilisateurs des modèles économiques, très coûteux. A l'OFCE, près de la moitié des douze chargés d'études travaillent sur cet outil. Les banques ou les organisations de type Rexecode n'en utilisent pas.
Outre ces éléments inédits qui ne peuvent être interprétés par les outils de modélisation économique, la prise de conscience de leurs limites ne date pas d'hier. Les modèles lissent les évolutions et ne peuvent prendre en compte les décisions de politiques économiques à venir. Non, les outils de modélisation ne sont ni ne seront jamais des boules de cristal, capables de prophétiser des éléments aussi imprévisibles à moyen terme que des arbitrages politiques ou des décisions de politique monétaire. « Par ailleurs, les modèles ne savent pas anticiper les ruptures cycliques. Il leur était impossible de savoir quand et comment le marché du crédit américain arriverait à saturation », indique Véronique Riche-Flores, à la Société Générale. Bref, impossible de prévoir quand les bulles vont éclater. C'est là où l'économiste intervient, qui doit être « à la fois un bon conjoncturiste et un bon modélisateur », ajoute Eric Heyer.
Le cadre comptable est toujours respecté
Pour autant, les modélisations ne sont pas caduques, pas plus qu'elles ne sont inutiles. Car elles permettent par exemple de calculer de façon « raisonnable » l'impact des mesures de politiques économiques, de faire des prévisions cohérentes en respectant toujours le cadre comptable. C'est donc un guide, capable de donner une tendance générale mais qu'il faut parfois un peu aiguiller pour lui faire prendre en compte des éléments exogènes.
Puisqu'ils se nourrissent de données historiques, les modèles devraient, sur la durée, gagner en exactitude. Mais tant que les fluctuations de l'économie dépendront de comportements sociaux et de décisions individuelles, aucun modèle ne sera infaillible.